Lettres galantes d'une femme de qualit? (1760-1770)

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Texte
(p. 28) […] Voilà-t-il pas une belle affaire ? Faudroit-il taire sa langue et faire trêve à la critique, parce qu'en un parc qui n'est pas votre propriété, et où vous mettez un bruissement de joie et de jeunesse, vous vous livrez à l'innocent passetems de la main chaude et du cheval fondu ?

Ne raisonnez pas de la sorte : ici, la main est extraordinairement chaude et le cheval étrangement fondu. […]

(p. 31) […] Avec le cheval fondu, c'est un autre ordre de pratiques. Les joueurs se mettent en file, le dos ployé, se tenant l'un l'autre, le premier prenant son point d'appui contre un arbre. Les joueuses ensuite – car vous comprenez bien qu'il y a des joueuses dans la partie – les joueuses sautent sur le dos des chevaux, et pèsent de tout leur poids, heureuses lorsqu'elles peuvent les forcer de rouler à terre, et elles avec (p. 32) eux. La mousse est épaisse, les gazons fleuris; l'on ne s'y fait aucun mal.

Mais parfois les chevaux résistent, et, pour se donner plus de force, ils relèvent la tête; et voici que ces têtes s'embarrassent sous les jupes; et comme dans la nuit qu'il y fait, on ne sait au juste ce qu'on y fait, les chevaux se dressent complètement et les voilà sur les pelouses emportant sur leurs épaules les joueuses trop légères, qui semblent des monstres de grandeur, et poussent des cris de pudeur surprise, sans se hâter cependant de mettre finà ce rôle de paralytique conduisant un aveugle, qui n'est ni aveugle ni muet.

Voilà ce qu'on fait aux champs avec la plus apparente naïveté, et, pour se reposer de jeux si décents; on cherche pouilles à la plus aimable des hôtesses ! […]"

Datation
1760-1770

Extrait de
Lettres galantes d'une femme de qualité, 1760-1770, préface de Léon Roger-Milès, éditées par E. Testard, Paris, 1895, p. 31 et suiv.

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